« Chaque instant est origine, je me suis toujours élevé contre ce lieu commun qui tend à considérer que la photographie est un arrêt du temps comme la mort est un arrêt de la vie ; la photographie arrête le temps non pas pour le figer et le réduire à une peau de chagrin, mais pour l’amplifier, lui donner une sorte de re-naissance à travers la matrice d’une image. C’est cela aussi la durée : l’expansion infinie du regard et du sens à partir d’une captation éphémère. Genèse indéfiniment renouvelée. »

Pierre de Fenoÿl
in Dans l’épaisseur du paysage
Thierry Girard – Yannick Le Marec

Occupied Miséricorde procède d’un monde-usine immense aux innombrables systèmes, tuyaux, pompes, turbines, dérivations, circuits … sans limites spatio-temporelles et régie par la loi du chaos. Passés plis ou moins lointains, présent, ici ou ailleurs caracolent de conserve, s’arrêtent, font demi-tour, se séparent et repartent.

La photo devient un fameux véhicule et la citation un degré où reprendre son équilibre, un point de repère partagé.

Réalisé en temps de pandémie, de confinement, de masque, d’autorisation de sortie, de couvre-feu, d’augmentation des inégalités, Occupied Miséricorde m’a permis de m’échapper vers un lieu de plein-air paisible et peu visité : le cimetière de la Miséricorde.

C’est une sorte de musée néo-classique, néo-gothique, un fouillis de chapelles, de colonnes brisées, d’obélisques, de faux temples, de stèles, d’entourages … et de végétation.

Occupied Miséricorde est fait, pour partie, de photos qui montrent le présent d’un lieu du passé reprenant le passé, et de photos du même ordre mais dessinées de joyeuses silhouettes blanches. Elles se promènent , ces silhouettes , jouent, discutent, réfléchissent, s’aiment, dessinent, apprennent, jamais seules, elles sont paisibles.

Sont-elles des morts ou des vivants ? Cela n’est pas très important. Ce qui prime, c’est qu’elles évoluent sans peur et sans contraintes – libres.